La vision : unique porte de la connaissance ésotérique (ma`rifa)

Les soufis placent la vision comme porte de la Voie, ou comme étape nécessaire venant avant l’aboutissement qu’est la connaissance.

Cela dépend des maîtres et de la force de leur flux spirituel, de la clarté de leur Voie.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que tout ce qui vient avant la vision n’est qu’une préparation à ce qui viendra après elle, et qui n’est accessible que par elle.

La parole du Shaykh Mohamed Faouzi Al Karkari « aucune connaissance ésotérique (ma‘rifa) n’est accessible sans vision » place la vision comme condition indispensable au cheminement.

Nous ne disons pas qu’il n’y a pas un cheminement personnel pour y venir, ou qu’elle est une finalité en tant que telle, mais : elle est la porte vers le monde des allusions spirituelles.

Est-ce là une innovation de la part des soufis ?

Cela constitue au contraire une tradition (sunna) de la Prophétie. Nous pourrions même dire qu’elle est la tradition (sunna) d’Allah pour quiconque aspire au lien avec Lui, à Sa Proximité et Sa connaissance.

Il y a deux dimensions supérieures à la dimension matérielle que nous connaissons : le monde subtil et céleste (al-malakut) et le monde de la Toute-Puissance (al-jabarut).

Si L’Esprit de l’Homme est de l’Ordre de notre Seigneur, comme l’enseigne le Coran, alors il est du domaine de la Toute-Puissance (al-jabarut).

S’il y a un lieu de rencontre entre cette dimension divine et la nôtre, c’est dans le monde subtil et céleste (al-malakut), c’est là notamment qu’ont lieu les rêves véridiques. Une tradition prophétique (hadith) enseigne d’ailleurs que ces rêves sont une part de la Prophétie.

Le rêve véridique est un message divin pour l’Homme, qui ne descend pas uniquement sur les cheminants, et qui peut toucher absolument tout le monde. C’est une porte universelle vers Dieu, afin que chaque Homme puisse voir de Lui la vérité qu’il doit suivre.

Pour ce qui est du cheminant, l’état de sommeil n’est pas nécessaire pour atteindre le monde céleste et subtil (al-malakut), il y a au contraire dans l’état d’éveil un moyen de voir ce qui mène à l’éveil spirituel et au plein accomplissement d’une manière qui convient mieux au cheminement.

Il n’y a pas mille et une portes en l’Homme pour parvenir à L’Esprit. Le Shaykh écrit dans le même ouvrage : « D’autre part, l’œil rassemble les deux arc-de-cercle opposés l’un à l’autre, que l’on retrouve dans la représentation de l’œil aussi bien sur le plan horizontal que vertical. Voilà pourquoi l’œil constitue en réalité la porte du corps et de l’esprit. »

Le choix divin dans la forme de l’œil est ainsi lui-même indicateur de son rôle de porte vers l’Esprit. Cependant, tout membre devant être purifié, la science soufie permet l’ouverture du cœur pour les yeux, mettant ainsi en place l’existence des « yeux du cœur (al-basira) » pour le cheminant.

L’œil a alors physiquement la même forme, les mêmes capacités physionomiques limitées, la même capacité matérielle, mais il devient une porte vers un autre type d’œil, vers un œil intérieur menant à la vision.

L’œil voit alors s’établir devant lui un monde qui lui était préalablement caché, un monde subtil dans lequel Dieu lui permet de Le connaître.

La connaissance divine est bien trop subtile pour descendre dans la matérialité et y être appréhendée sans par ailleurs passer par le monde subtil (malakut) menant aux secrets du monde de la Toute-Puissance (al-jabarut). C’est même tout le contraire, car si les visions – en rêve ou à l’état d’éveil – sont du domaine du monde subtil, les secrets – c’est-à-dire la connaissance divine – eux sont du domaine de la Toute-Puissance, là même où réside l’Esprit.

Toute âme égotique (nafs) a ainsi besoin d’une porte lui permettant de découvrir ce qu’elle est, ce qui la caractérise dans sa forme première.

C’est pourquoi, la (vraie) connaissance de soi ainsi que la connaissance divine ne sont possibles que par un accès visuel au monde subtil.

Il ne s’agit évidemment pas de la connaissance de soi au niveau psychologique, qui elle reste du domaine matériel, mais d’une connaissance de soi si subtile qu’elle en est divine.

C’est elle le vrai trésor de l’Homme et l’unique richesse qui devrait le préoccuper.

C’est elle son lien avec son Seigneur, son cheminement et sa purification.

C’est elle sa Voie vers la pleine réalisation spirituelle, comme l’écrit le Shaykh à la suite :

« Quant au degré de l’excellence (al-ihsan), il n’est en réalité que la pleine réalisation de la contemplation (mushahada) : C’est d’adorer Allah comme si tu Le voyais, ou autrement dit, de L’adorer par le « comme de l’immanence [1] » du monde imaginal. »

Ce qui signifie : adorer Dieu par la connaissance que confère la vision à l’état d’éveil lorsqu’à partir de la vision le cheminant arrive à obtenir la gnose.


[1] Kaf at-tashbih : c’est le nom que donne le Shaykh au « comme » de « comme si tu Le voyais ». Ce « comme » est lui-même indicateur de la subtilité de la science de la vision.

Louis M.
Louis M.
Spécialisé dans l'étude des Textes sacrés et autres Textes du corpus soufi. Disciple de la voie soufie Karkariya.

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